Fête de l’Huma

Le camarade Puduk va gentiment prendre son train de banlieue pour rentrer chez maman, 94 balais, qui épluche des topinambours dans les feuilles de l’Huma pour faire un gratin.

Vers 21h 30, il ira siroter un petit calva chez Wali, le bistro kabyle où il fume son RSA en compagnie de Mamadou, un pote malien qui entrave que dalle depuis trente ans qu’il est là, et ne sait toujours pas où il est ni pourquoi . Puduk jouera le rôle du blanc qui sait tout, de toutes façons personne n ‘écoute, on dira du mal des Ricains et du colonialisme, Mamadou crachera par terre à chaque fois que Puduk dira « Israélien », on gerbera sur l’Occident criminel, les deux Tunars et le Turc assis approuverons, malgré la cicatrice du vaccin qu’ils ont en haut de l’épaule droite . Il régnera cette très légère odeur de merde que le pastaga renversé au sol prend quand son fumet croise l’air pisseux des chiottards .

Pas mal bourré, il prendra vers minuit à pied le chemin du pavillon maternel en zigzaguant entre les lampadaires jaunes, il pensera au passé lointain, le moment où il n’est jamais parti, puisque c’est de là que tout est parti, quand son père est mort écrasé par un container de harengs détaché de la grue, en bas, aux péniches, sur le canal. C’est pour ça qu’il n’a jamais quitté Madeleine, sa maman. Non, il n’est pas pédé, avant il y a cinq ans, il a même eu une vraie liaison, avec une veuve un peu plus âgée que lui mais la jalousie de maman a tout empêché . Bientôt il sera libéré, mais que faire comme disait Lénine ?

Une vie, comme des millions de vies, une vie comme une veste vide, veste d’ouvrier comme de notaire, alors on se raccroche au porte-manteau, lui ça a été le communisme, à cause des copains, du quartier, ailleurs c’eût peut-être été l’Eglise ou Jésus, va t’en savoir. De toute façon on s’en fout, des mots, on ne sait pas trop ce que ça veut dire, anarcho, communiste, stalinien, bof , parfois dans un éclair de lucidité il se dit qu’il serait parti au goulag dans les premiers « à cause qu’il est trop con pour fermer sa gueule » surtout quand il est bourré, c’est-à-dire souvent .

Des vies comme les merdes des chiens de la casse sur des trottoirs, celles des Puduk qui sèchent précisément là où elles sont tombées du cul des prols et d’autres venues de loin en flottant sur les ruisseaux d’une pluie d’hiver.

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